J'aimerais aborder cette fois une idée
reçue qui semble assez répandue, celle comme quoi l'abolition de la
prostitution engendrerait un accroissement significatif du nombre de
viols. Bien que je sois, évidemment, totalement opposée à l'abolition de
la prostitution, je ne peux que dénoncer cette erreur, qui n'est pas
une preuve de mauvaise fois ou une malveillance, mais simplement une
méconnaissance du sujet, souvent entretenue involontairement par les
féministes qui ont tendance à traiter de porcs
pervers/maltraitants/esclavagistes (rayez la mention inutile) les clients, induisant dans les esprits qu'ils sont des prédateurs sexuels.
Tout d'abord, il est bon de noter ou de
rappeler qu'en comparaison avec la totalité des hommes en France, ceux
qui "vont aux putes" ou contactent des callgirls sont minoritaires, et
ceux qui le font de manière régulière d'autant plus. C'est une petite
précision utile, non, tous les hommes ne font pas appel à des
professionnelles ou des occasionnelles.
Ensuite, il y a différents points à développer pour comprendre le non-sens de cet argument.
1) Pourquoi ces hommes viennent nous voir?
Les motivations qui poussent ces
hommes à nous contacter sont généralement plus un désir à assouvir avec
une femme consentante, sans prise de tête qu'autre chose. Que ce soit le
cas de l'époux infidèle qui ne veut pas d'une maîtresse dangereuse,
celui du petit ami éloigné de sa copine qui n'a pas envie de passer 4h
en boîte pour ramener une petite ou celui de l'homme trop timide pour
oser s'approcher des femmes lambda, chacun d'entre eux cherche un moment
d'échange, et ne sont pas satisfaits par un rapport mécanique. Ils
veulent "faire l'amour" ou "baiser" mais ne pas avoir la sensation de le
faire avec une femme qui se force, qui ne prend aucun plaisir, et qui
regarde sa montre. Ces hommes ne sont pas des prédateurs sexuels pour la
grande majorité d'entre eux.
2) Les hommes qui aiment violer aiment... violer.
Un prédateur sexuel aime le rapport
forcé. Il aime soumettre une femme à son pouvoir, la dominer, c'est ce
qui l'excite. Écartez les jambes accompagné d'un petit "Oui prends moi",
et le chapiteau retombe comme un soufflet. Ce sont des pulsions
sadiques et narcissiques, purement égoïstes, ce qui relève du cas
psychiatrique. Ces types-là ne vont généralement pas voir de
prostituées, puisque par définition, la professionnelle ne ferait que
simuler un non consentement. Les types qui aiment violer n'ont pas
besoin des putes pour assouvir leurs pulsions.
3) Les prostituées aussi peuvent être victimes de viols.
Oui, une professionnelle a le droit, au
même titre que toutes les femmes, de refuser un rapport sexuel, et,
malheureusement, comme toutes les femmes aussi, elle peut être victime
de viol. Ne soyons pas naïfs, le type qui viole une prostituée le fait
parce qu'il considère qu'il a ce droit sur cette femme qu'il considère
comme un sous-être, soit parce que femme, soit parce que prostituée.
L'homme qui viole une pute a probablement déjà violé d'autres femmes et
en violera d'autre, parce que son éducation et sa façon de raisonner le
laissent penser que ça fait partie de ses droits de mâle.
4)Il n'existe pas qu'un type de violeurIl
arrive très souvent que des hommes accusés de viol n'aient même pas
conscience d'avoir violé. La libération des mœurs et la consommation
gratuite des corps a induit dans l'esprit de beaucoup de jeunes que le
rapport sexuel est devenu quelque chose de banal, à la limite d'une
règle sociale, un peu comme s'ils avaient muté en bonobos en même temps
que les moeurs ont (d)évolué.
Dans le sens inverse, les jeunes femmes
sont formatées depuis toujours à ne pas "se faire remarquer", et la
projection constante de sexe dans les médias et la publicité, et les
assauts de dragues répétitifs ont fait qu'il arrive très souvent qu'une
femme ne sache pas réellement si un homme se conduit de manière déplacée
ou non. Elle va souvent hésiter avant de répondre, soit par peur que ça
ne déclenche l'agressivité de l'interlocuteur, soit parce qu'au fond,
elle n'est pas certaine de la situation : "Il me drague ou j'interprète?".
Ainsi, beaucoup de femmes envoient des signaux de refus espérant qu'ils soient interprétés correctement au lieu d'imposer un "non" ferme. Les signaux envoyés ont pourtant été clairs, mais l'homme en face, "pris d'une pulsion"
(terme extrêmement récurent dans la bouche des prévenus dans des
affaires de viols) n'était pas en mesure de les recevoir correctement,
ou a choisi de les ignorer, considérant, comme l'idée reçue l'exige,
qu'une femme qui n'est pas consentante hurle, se débat, griffe, pleure,
et qu'en l'absence de ce comportement, il n'étaient pas nécessaire
d'écouter les signaux. Ce type d'agresseur n'a absolument aucun lien
avec la présence ou non de prostituées dans la société, et que la
prostitution soit abolie ou pas n'y changera absolument rien.
5) Le violeur qui rôde caché dans les buissons est minoritaire.
En
effet, contrairement, là encore, à une idée reçue, l'immense majorité
des viols sont commis par une personne connue de la victime (père, frère, cousin, petit ami, grand père, oncle, pote, médecin de famille, ami des parents, voisin, enseignant etc)
et pas par un détraqué sexuel rôdant dans la rue à la recherche d'une
victime. On parle ici d'un peu plus de 80% des cas de viols déclarés
(ayant fait l'objet d'une plainte). Là encore, aucun lien avec la
prostitution, qu'on persécute les putes ou pas, ces violeurs seront
toujours là.
6) Affirmer ceci revient à dire de manière involontaire que les hommes sont tous des violeurs en embuscade.
Même
si, effectivement, la majorité des viols sont commis par des hommes,
dire que l'on verrait le nombre de violeurs s’accroître parce qu'il n'y
aurait plus de prostituées pour assouvir leurs besoins sexuels,
reviendrait à dire que les hommes sont des animaux, incapables de gérer
leurs envies charnelles de manière raisonnée. Nous voyons d'ici ces
hordes de mâles, l’œil exorbité, la veine saillante, la bave aux lèvres,
errer dans les rues sombres de nos villes en quête d'une proie. Non,
soyons sérieux, même si nous savons toutes et tous que les hommes ont
beaucoup de difficultés à encaisser la frustration sexuelle ( :D ), cela
ne signifie pas pour autant qu'ils sont des violeurs. D'autant que le
viol est avant tout une question sociétale, et un problème d'éducation. Je dirais même que le viol et aussi vieux que la pute, et que cette dernière n'a jamais eu de réelle impact sur le premier.
Pour résumer, c'est un faux argument.
Bien entendu que le nombre de viols pourrait augmenter mais pas aussi
significativement que le pensent les gens, et il ne serait pas possible
de relier cette légère augmentation avec l'arrêt officiel de nos
activités. Nous ne sommes en aucun cas des soupapes de protection des
femmes contre le viol, même si ce peut être plaisant de se l'imaginer,
et, tristement ironiquement, nous sommes nous-mêmes nombreuses à en
avoir été victimes par le passé. Pour réduire le nombre de viols, il n'y
a pas 36 solutions : éducation, éducation, information et sanctions.